Dans le cadre de notre démarche « Jeunesses : le droit au bonheur ! » et à l’occasion de la célébration des 20 ans du dispositif Démocratie & Courage, nous avons invité, en novembre dernier au FIAP à Paris, le sociologue Gérald Bronner, pour converser avec lui sur le sujet de l’esprit critique. Un entretien conduit par Pascal Desclos.
Son dernier ouvrage, « Apocalypse cognitive », traite de « la dérégulation du marché cognitif » et son déferlement d’informations, tout en interrogeant l’usage du temps libre. Il démarre son intervention par expliquer : « si j’ai dit oui à votre invitation, c’est car je crois que les associations d’éducation populaire comme la vôtre pourraient avoir un rôle absolument prépondérant ». Evidemment, en lien avec les enjeux sociétaux sur lesquels portent ses recherches.
Il expose tout d’abord le contexte de son propos :
Une disponibilité massive de l’information,
Tout le monde peut prendre la parole sur ce marché public de l’information et cela crée de la « cacophonie »
Une concurrence majeure a lieu entre ces informations et ce n’est pas la rationalité qui prime : les acteurs économiques qui produisent ou relaient de l’information vont produire des contenus qui vont dans le sens de nos attentes et donc dans la « pente spontanée de notre cerveau. »
Au regard de cet environnement et des biais générés d’une part par les producteurs d’informations et d’autre part par notre fonctionnement cognitif : quel est le rôle des associations d’éducation populaire ? Le sociologue répond en parlant du temps libéré : « ce temps disponible est très précieux et c’est une question politique centrale de s’interroger sur son usage. […] La capacité d’un enfant ou d’un jeune à résister à la jouissance à court-terme définit l’adulte qu’il sera. »
L’éducation populaire parvient à toucher une grande diversité de publics, dont les adultes, « ce sont les adultes qui diffusent le plus de fake news, pas les jeunes ! » s’exclament Gérald Bronner et propose : « il ne suffit pas juste d’être alerté une fois, il faut démontrer et apprendre les structures de situation où on peut se tromper. » Mais il alerte aussi sur les dérives autoritaires de politiques publiques qui voudraient contrôler le temps libre, dans les familles, dans l’intimité. « Nous avons besoin de corps intermédiaire dans la société, comme votre mouvement » ponctue-t-il.